Absolution conditionnelle : Quand un scandale en cache un autre

[Texte tiré d’une publication du journal La Presse]

En 1999, Gilbert Rozon avait obtenu une absolution inconditionnelle après avoir plaidé coupable à une accusation d’agression sexuelle. La nécessité de voyager pour ce dernier avait été également mise de l’avant, appuyée déjà par la jurisprudence. À l’époque, ça m’avait en revanche choqué, mais aujourd’hui j’ai compris que ce « deux poids, deux mesures » a une cause plus profonde : le casier criminel canadien.

Archaïque et injuste, ce casier criminel représente en réalité une double peine. En effet, il ne suffit pas de purger sa peine pour être libre à nouveau.

La société exige un supplément à la dette payée, soit d’être stigmatisé à vie par un casier criminel, car il ne disparaît jamais entièrement, sinon, pour les plus chanceux, il peut être suspendu.

Pour les « honnêtes gens », dirait Brassens, un criminel libéré demeure un criminel. Comme le bétail destiné à l’abattoir, le condamné doit être marqué à vie par un casier judiciaire. Son accès au marché du travail devra être limité tout comme ses couvertures d’assurance. Et sa liberté de voyager sera restreinte, surtout pour le seul pays limitrophe du Canada, c’est-à-dire les États-Unis.

Je me permets de poser une question que je crois être raisonnable : en quoi un criminel, ou devrais-je plutôt dire un ancien criminel, serait-il plus dangereux aux États-Unis qu’au Canada ? Autrement dit, si cet indésirable est trop dangereux pour circuler aux États-Unis, alors comment serait-il plus sécuritaire de le laisser circuler dans notre pays ? Pour ces anciens criminels canadiens ou américains, quelle est la logique qui se cache ici ? Un ressentiment revanchard ? Un besoin de supériorité ? Un sentiment d’insécurité ?

Quatre millions de gens malhonnêtes ?

Je n’ai heureusement aucun casier criminel, mais ce n’est pas le cas de 10 % de la population canadienne. On parle ici de plus de 4 millions de personnes, c’est tout même beaucoup de « malhonnêtes gens », ne trouvez-vous pas ? Défendre ces « indéfendables » demande un certain courage que possède l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec. En 2010, celle-ci publia le mémoire Impact du casier judiciaire, dont la préface fut écrite par un de nos héros, et ancien criminel, aimé de tous, le commandant Robert Piché. Son propos est touchant et le document est plus que convaincant quant à la pertinence de supprimer en grande partie l’usage du casier judiciaire. Honnêtes gens, irez-vous lire ce mémoire ?

Par ailleurs, la France est un exemple inspirant où le casier criminel n’est pas manichéen. Le pays des droits de l’Homme dispose de trois bulletins pour gérer avec plus de parcimonie les dossiers judiciaires qui distinguent les petits crimes des plus graves comme les homicides. Ces bulletins ne sont divulgués que selon le type de demandeur : magistrat, administration ou simple citoyen.

En fait, ce qui me scandalise aujourd’hui, c’est bien que le casier criminel canadien tarde toujours à être réformé et qu’il nuit outrageusement à la réintégration dans la société d’une bonne partie de la population. Je souhaite donc davantage de parcimonie à la française pour permettre à une partie d’anciens criminels repentis d’être libres de voyager. On n’aurait alors plus à se scandaliser de jugements absurdes donnant l’absolution à des criminels pour motif qu’ils puissent voyager pour des fins professionnelles, sachant surtout que ces jugements ne cherchent en réalité qu’à cacher une autre absurdité, celle du casier judiciaire canadien.

Pôle Wilfrid-Hamel–Laurentienne: il ne manque qu’une chose!

[Texte tiré d’une publication du journal Le Soleil]

On souhaitait construire un phare pharaonique à la sortie des ponts lorsqu’on a enfin réalisé combien cette tour allait être une nuisance aux résidents à proximité. Je n’ai jamais compris cette idée saugrenue de construire des pôles au bord du fleuve pour ensuite se retrouver piégé dans des problématiques d’accessibilité. Pendant ce temps, au centre de notre ville, un autre pôle aurait pu accueillir ce genre de projet gargantuesque sans aucune nuisance aux résidents.

On souhaitait construire un phare pharaonique à la sortie des ponts lorsqu’on a enfin réalisé combien cette tour allait être une nuisance aux résidents à proximité. Je n’ai jamais compris cette idée saugrenue de construire des pôles au bord du fleuve pour ensuite se retrouver piégé dans des problématiques d’accessibilité. Pendant ce temps, au centre de notre ville, un autre pôle aurait pu accueillir ce genre de projet gargantuesque sans aucune nuisance aux résidents.

Il s’agit du pôle Wilfrid-Hamel–Laurentienne (WHL) dans lequel y sera construit un mélange de commercial et de résidentiel. Cela dit, ce choix est très intéressant et il s’agit bien d’un beau projet! En même temps, on est loin d’un modèle d’écoquartier. Néanmoins, je serais de mauvaise foi en ne soulignant pas la densification et le verdissement prévus dans la vision d’aménagement présentée par la Ville de Québec cette semaine.

De plus, ce projet vient corriger cette absurdité du pseudo écoquartier, Pointe-aux-Lièvres, construit sur le bord d’une autoroute puisque celui-ci deviendra un boulevard urbain. De plus, contrairement à PPointe-aux-Lièvres, le pôle WHL pourra compter sur beaucoup de commerces en plus de Fleur de Lys. La seule chose qui manque, à mon avis, c’est la présence de bureaux gouvernementaux.

Le pôle WHL est géographiquement le pôle central de la ville de Québec. C’était une occasion en or d’y mettre quelques édifices à bureaux afin de relocaliser intelligemment certaines places d’affaires. Par intelligemment, je veux dire qu’il faut favoriser une meilleure proximité des citoyens avec leur lieu de travail, permettant une meilleure qualité de vie, notamment par une diminution des déplacements, surtout vers la colline Parlementaire.

Le meilleur exemple pourrait être la relocalisation des fonctionnaires du Ministère des Transports du Québec occupant présentement toute la tour du Delta. Une tour qui aurait plutôt avantage à accueillir les touristes. À l’instar du nouvel édifice de la CNESST construit dans le pôle D’Estimauville, il ne manque à WHL que la présence de bureaux gouvernementaux.

Peut-être que l’implication du député de Vanier-Les Rivières, M. Mario Asselin, pourrait être bénéfique…

La culture toxique du CH et de la LNH

La semaine passée, j’ai regardé ma première partie de hockey en 4 ou 5 ans. Le Canadiens de Montréal jouait contre le Maple Leafs de Toronto. Dire qu’avant, je n’en manquais pas une!

À 14 ans, le hockey était pour moi tout ce qui importait. Je jouais tous les jours, à la patinoire l’hiver, dans la rue l’été. Bref, c’était facile de savoir où j’étais: avec mes amis en train de jouer ou de parler de hockey. Ce sport permet de développer énormément d’aptitudes, tant physiques que sociales. Sport d’interéquipe, il développe l’esprit de compétition, de collaboration et également le sentiment d’appartenance. À cet âge, la quête d’identité et d’appartenance à un groupe est naturelle. Moi, c’était le CH.

Trente ans plus tard, j’avais tout simplement cessé de regarder ce sport. D’abord, mon identité avait bien sûr évolué et ne passait plus par ce mode de représentation. Avoir le CH de tatouer sur le cœur est aussi souhaitable aujourd’hui que Nike, Bell, Heinz ou n’importe quelle marque de commerce. 

Sportsnet

Le CH, marque légale déposée, a toujours basé son fonds de commerce sur l’appartenance du peuple canadien-français. Aujourd’hui, il s’agirait plutôt d’appropriation culturelle. Pour une équipe n’alignant parfois aucun francophone et ayant toujours appartenu à des intérêts anglophones, le nom de Canadians de Montréal serait plus adapté.

Aussi, si j’ai décroché, c’est que la LNH valorise encore une violence maintes fois condamnée. Profitant d’une protection juridique traditionnellement consentie probablement pour des raisons politiques, la LNH régularise des agressions carrément criminelles au nom du sport. Dans les faits, elle encourage sciemment une violence-spectacle sous l’égide d’un pseudo-code de respect et d’honneur. À l’heure où la société essaie d’endiguer la culture de l’intimidation et de la violence, la LNH en fait l’apologie.

C’est ainsi que lors de ce match, le meilleur joueur de l’équipe de Toronto, John Tavares, a subi une solide blessure à la tête. C’était pénible à voir, surtout lorsque le soigneur l’a subitement retenu alors qu’il tombait inconscient : une autre commotion cérébrale au statistique.

La reprise montra clairement que cette blessure fut accidentelle. À la suite d’une mise en échec tout à fait régulière, Tavares tomba au moment où un joueur du Canadiens, Corey Perry, passait en sens inverse et, malgré un geste d’évitement manifeste, son genou heurta violemment la tête de Tavares. Après une dizaine de minutes d’arrêt pour sortir ce pauvre Tavares sur une civière, la partie recommença.

C’est alors qu’on assiste à une scène étrange. Un joueur de Toronto s’amène à la mise au jeu pour discuter avec Perry. Au vu et au su des arbitres, ils conviennent de livrer bataille. L’un avisait l’autre que, par principe, qu’ils devaient se battre afin de symboliser un acte de réparation ou de vengeance. Bref, le code d’honneur devait être appliqué, une question de « respect » rhétorique.

Ils ont donc commencé à se battre, à valser et à jouer une comédie de lutte-spectacle. Le gagnant, préalablement désigné, renversa Perry sur la glace. Bref, la tradition tribale fut respectée au bon plaisir de certains partisans revanchards.

Le même soir, j’ai vu passer une publication d’un bon ami universitaire, Alex. Sur la photo, Alex a installé dehors sa télévision et il regarde la même partie avec son petit garçon de 5 ans. C’est le printemps et la fièvre des séries après tout! La tradition qui se transmet! Petit garçon, petite jeunesse, comme moi quand j’avais 14 ans, à encourager leur équipe adorée! Et surtout, à apprendre très jeune à se faire respecter de façon traditionnelle : intimidation et violence.

La violence devient systémique dans la mesure où elle perdure dans le temps et se reproduit. Ça commence avec l’intimidation et se termine avec le châtiment corporel. Au moment où la société évolue, opte pour des communications non violentes, la LNH tient toujours à monétiser de la violence toxique. Selon la science du marketing, ce qui est le plus payant, c’est lorsqu’on atteint le troisième niveau, celui identitaire.

Or, il faut reconnaître que notre identité, québécoise ou canadienne, a été notamment construite sur le hockey et sa violence. En 2006, le documentaire Valery’s Ankle, réalisé par Brett Kashmere et sous-titré en français, montre comment le hockey et la violence sont politiquement admis et glorifiés. Il s’agit bien de notre « sport national ». Pour ma part, ce documentaire m’a permis une prise de conscience de cette culture toxique dans laquelle j’ai grandi et qu’encore beaucoup grandissent encore aujourd’hui.

Heureusement, certains politiciens travaillent à un changement de culture. Déjà, il faudrait que la législation supprime l’immunité diplomatique offerte à cette industrie violente. Je vais envoyer ce texte au Devoir et au Journal de Montréal. Le premier devrait être favorable. Et le deuxième, comme je le disais, c’est une industrie et une culture à changer.

 

Références :

L’accident

 

Bataille

 

Valery’s Ankle, par Brett Kashmere

Ouverture et unité des nationalistes québécois à Ottawa

[Texte tiré d’une publication du HuffPost Québec à l’époque que Julien Cardinal était porte-parole de Québec en marche!]

En tout respect, il faut en finir avec ce fondamentalisme de l’indépendance qui divise et polarise notre nation au lieu de l’unir et de l’apaiser.

L'indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa, voilà tout! À moins de trouver du plaisir dans la confrontation, y envoyer des indépendantistes est inutile, voire contre-productif.
L’indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa, voilà tout! À moins de trouver du plaisir dans la confrontation, y envoyer des indépendantistes est inutile, voire contre-productif.

Précisons d’emblée que ce texte ne constitue en aucune façon une charge contre l’indépendance du Québec. Cette cause noble peut être une solution d’émancipation pour la nation québécoise et elle demeure incontestablement une option envisageable encore aujourd’hui. Ce texte propose plutôt de sortir du «fondamentalisme de l’indépendance» en plus de proposer une nouvelle démarche pour contrer le statu quo: l’envoi d’autonomistes à Ottawa.

Si les indépendantistes souhaitent doter le peuple québécois d’un État indépendant, il est important de réitérer qu’ils n’ont pas le monopole du nationalisme québécois.

Soyons clairs, être nationaliste, au-delà du sentiment d’appartenance, c’est défendre les intérêts de sa nation. À ce titre, il est tout à fait possible d’être à la fois nationaliste et fédéraliste. C’est d’ailleurs le souhait de M. Alexandre Taillefer lorsqu’il affirme que le Parti libéral doit retourner à ses «racines nationalistes», à l’instar de Bourassa, Ryan, Lesage, etc.

La famille des nationalistes québécois est large, incluant évidemment bon nombre d’indépendantistes. Si ceux-ci souhaitent doter le peuple québécois d’un État indépendant, il est important de réitérer qu’ils n’ont aucunement le monopole du nationalisme québécois. Malheureusement, certains indépendantistes semblent le croire, en particulier chez les «fondamentalistes de l’indépendance».

Le fondamentalisme se définit comme le refus du doute méthodologique concernant sa croyance. S’il est coutume d’appliquer ce concept à des croyances religieuses, il s’applique tout autant aux croyances idéologiques qu’à n’importe quel dogme édifié en doctrine.

Lorsqu’on fonde son nationalisme sur l’indépendance, on mélange alors les moyens avec la fin. On induit alors une logique inversée qui soumet tout type de nationalisme à l’idée d’indépendance. C’est ainsi qu’on bascule dans le fondamentalisme de l’indépendance. Une fois piégé dans cette logique, il est facile de penser qu’être contre l’indépendance, c’est être contre les intérêts de la nation. Pire, il est facile de devenir un «hooligan politique», intolérant à tout dialogue pouvant défier ses croyances. Contrairement aux indépendantistes modérés, les fondamentalistes de l’indépendance excluront le doute méthodologique même si leurs actions, au final, nuisent aux intérêts nationaux.

Ces fondamentalistes de l’indépendance à Ottawa

Parmi ces fondamentalistes se trouvent ces chevaliers de l’indépendance faisant croisade jusqu’au parlement d’Ottawa, afin d’y planter chauvinement leur croix idéologique. Verrouillés dans leurs pensées, ils se targuent de décréter qui sont les bons et les mauvais nationalistes, voire même les indépendantistes dignes et indignes de ce nom!

En tout respect, il faut en finir avec ce fondamentalisme de l’indépendance qui divise et polarise notre nation au lieu de l’unir et de l’apaiser.

L’exemple récent de M. Gilles Duceppe à l’endroit de Manon Massée de Québec solidaire illustre bien l’idée. À l’instar de notre ancien clergé, ils décident qui sont les vrais fidèles et ceux à excommunier. C’est en ce sens que la proposition de M. Boudrias d’un «seul parti souverainiste, un seul programme, une seule organisation, une seule mission » s’articulant à l’intérieur des parlements de Québec et d’Ottawa» montre bien cette vision monolithique.

En tout respect, il faut en finir avec ce fondamentalisme de l’indépendance qui divise et polarise notre nation au lieu de l’unir et de l’apaiser. À cet égard, le Bloc québécois incarne depuis trop longtemps un certain nationalisme sectaire excluant les nationalistes fédéralistes. Empêtré dans sa finalité d’indépendance, il lui est impossible de rassembler tous les nationalistes québécois, encore moins l’ensemble des Québécois(e)s. Pire encore, ces fondamentalistes réussissent même à se diviser entre eux! Le mouvement de Mme Martine Ouellet étant un exemple éloquent.

L’indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa.

Bien que le Bloc québécois se soit récemment lancé dans un projet de refondation, l’indépendance du Québec demeurera leur finalité. Cet exercice de maquillage aboutira au mieux à un nouveau logo et un nouveau nom un peu moins «bloquant»… Et pourtant, au printemps dernier, l’éphémère «Québec debout» avait suscité un vrai espoir. Il n’a suffi que d’un été pour rasseoir tout ce beau monde à leur place…

L’indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa, voilà tout! À moins de trouver du plaisir dans la confrontation, y envoyer des indépendantistes est inutile, voire contre-productif. S’auto-condamner ainsi à une perpétuelle opposition, c’est assurer indéfiniment l’isolement politique du Québec, ce qui est évidemment contraire à ses intérêts.

Des autonomistes à Ottawa pour mieux servir le Québec

On ne connaît que trop bien les diktats martelés depuis 25 ans par les fondamentalistes de l’indépendance, à savoir que le fédéralisme canadien est irréformable, Meech et Charlottetown en étant des preuves indiscutables. Pour eux, toutes tentatives de faire progresser le Québec à l’intérieur du Canada n’est que perte de temps.

Par conséquent, il nous faut attendre, confinés dans une sempiternelle opposition, le grand soir d’une indépendance messianique. Remettre en doute cette sainte Écriture en proposant des solutions potentielles serait perçu comme une attaque contre la finalité indépendantiste. Pourtant, il existe bien des alternatives. René Lévesque parlait de «beau risque», moi je vous parlerai d’autonomisme régional.

L’autonomisme n’est pas un concept nouveau au Québec

Pensons, par exemple, à l’autonomie financière du Québec lorsque Duplessis réussit à rapatrier, en 1954, des points d’impôt du fédéral. Ou encore lorsque Paul Gérin-Lajoie, en 1965, obtint la souveraineté des provinces dans les relations internationales liées à leurs champs de compétences…

Que ce soit au sein du Canada ou comme pays indépendant, il faudra à terme envisager une nouvelle forme d’union canadienne plus émancipatrice pour tous.

Les choses changent, le monde évolue. Croire que le Québec est le seul des peuples canadiens à désirer plus d’autonomie serait une profonde méconnaissance du Canada. Les peuples canadiens ne sont pas hétéroclites et uniformes. Prenons seulement les Britanno-Colombiens qui, de par leur progressivité et leurs valeurs écologiques, sont les seuls ayant réussi à envoyer à Ottawa une députée du Parti vert. Ils pourraient être un allié de premier choix dans une éventuelle coalition d’autonomistes régionaux, surtout dans nos luttes environnementales contre la puissante industrie pétrolière canadienne.

C’est que l’autonomie, c’est bon pour tous les peuples, qu’ils soient québécois, canadiens ou autres. Que ce soit au sein du Canada ou comme pays indépendant, il faudra à terme envisager une nouvelle forme d’union canadienne plus émancipatrice pour tous. Une coalition pancanadienne d’autonomistes pourrait être une nouvelle solution pour y arriver. Cependant, ce n’est pas en envoyant des indépendantistes à Ottawa que ce sera possible. Par contre, avec des autonomistes prônant un nationalisme d’ouverture, alors là, tout devient possible!

Il est facile de se décrire comme une nation victime du fédéralisme canadien et de son statu quo. Ou encore de décrier les caquistes ou les solidaires comme de faux nationalistes… Chers fondamentalistes de l’indépendance, j’espère que ce texte saura initier une remise en question.

Et pour les autres nationalistes, prônant ouverture et unité, seule l’action peut remettre le Québec en marche!

Élections, piège à cons!

[Texte tiré d’une publication du Le Devoir à l’époque que Julien Cardinal était président du Parti de la réforme proportionnelle-mixte.]

Dans son dernier livre, Réinventer la démocratie, Jean Laliberté nous rappelle ce slogan de mai 1968 selon lequel les citoyens bien instruits et informés ne peuvent se satisfaire uniquement de voter une fois tous les quatre ans. L’auteur invite le lecteur à reconsidérer la démocratie élective pour une démocratie participative.

Sa réflexion part du constat que la démocratie est de plus en plus malade. En effet, les grandes manifestations étudiantes du printemps témoignent de certaines carences de notre vie démocratique. On peut effectivement se demander pourquoi notre système démocratique n’a pas été en mesure d’intégrer dans ses politiques la volonté populaire symbolisée par des manifestations pacifiques de centaines de milliers de citoyens ?

Il existe pourtant bien des instances qui permettent l’expression populaire, telles que les consultations publiques, les états généraux, les pétitions, etc. Cependant, lorsqu’elles ne permettent pas adéquatement à la population de se faire entendre, celle-ci peut exercer son ultime recours pacifique qui est l’occupation de l’espace public, par exemple la rue.

À une époque où les citoyens sont incités à se replier dans leur espace privé, force est de constater que cet ultime recours est loin d’être banal. Pourtant, le gouvernement considère, quant à lui, que ce type d’engagement doit être à la limite toléré, mais sans plus. Pire encore, au lieu de reconnaître cette volonté populaire, le gouvernement Charest tente plutôt de banaliser et même de ridiculiser l’expression de la rue.

En regardant de plus près notre mode de scrutin, on comprend mieux pourquoi le gouvernement actuel peut ignorer les manifestations les plus importantes que le Québec ait connues. En ayant les « deux mains sur le volant », c’est-à-dire en étant majoritaire, le gouvernement a la possibilité ultime d’agir de manière autoritaire et unilatérale.

Ceci est d’autant plus vrai si le gouvernement considère que les électeurs n’ont droit de parole qu’aux élections et qu’ensuite le gouvernement peut tout se permettre. M. Bachand et bien d’autres membres du gouvernement ont d’ailleurs exprimé cette vue en mentionnant que les prochaines élections trancheraient le conflit étudiant. Comme si une soi-disant « majorité silencieuse » et mythique pouvait en toute légitimité cautionner toutes les actions passées du gouvernement en un seul vote. Cette idée reçue selon laquelle la démocratie se réduit à la décision du plus grand nombre est non seulement erronée, elle est aussi antidémocratique. C’est ce que bon nombre de penseurs, dont J. Stuart Mill, appellent la « dictature de la majorité ». Quant à Tocqueville, c’est de « germe de la tyrannie » qu’il qualifie le fait qu’un gouvernement se permette, au nom de sa majorité, de faire taire une minorité.

Bien qu’un gouvernement majoritaire puisse agir unilatéralement, il est de tradition au Québec et au Canada d’exercer le pouvoir à travers des consultations, des concertations et des consensus. En fait, c’est de cette manière que notre démocratie s’exerce réellement. À vrai dire, ces mécanismes sont extrêmement importants puisque le mode de scrutin uninominal à un tour ne permet péniblement la diversité d’opinion. En effet, notre mode de scrutin, bien qu’il soit plutôt simple, a le grand inconvénient d’amener une distorsion de la volonté populaire puisqu’elle permet l’élection de gouvernements majoritaires n’obtenant quasi jamais une majorité des voix. Le Parti libéral, bien que majoritaire en nombre de députés, n’a obtenu que 42 % des voix en 2008.

Un autre inconvénient majeur est qu’il ne pousse pas l’électeur à effectuer un vote de préférence, mais plutôt un vote stratégique. Le vote stratégique est une castration de la volonté de l’électeur. Elle introduit une logique binaire et abrutissante qu’on résume sous l’idée de gagner ou perdre ses élections. Voter se résume alors à parier. Mais est-ce bien ce à quoi on doit s’attendre d’une démocratie ? C’est-à-dire de voter pour un pis-aller détenant une chance signifiante d’être élu, et ce, selon les sondages ? À voter non pas pour un candidat, mais contre tous les autres ? À voter pour contester et non pour proposer ?

D’un côté, le fait de ne pas pouvoir voter librement pour un candidat sans avoir le sentiment de trahir ses convictions ou de voir son vote non considéré à sa pleine valeur démocratique explique en partie les hauts taux d’abstention. D’un autre côté, voter, c’est légitimer le mode de scrutin actuel. C’est ainsi ce que certains soixante-huitards surnommaient le processus électoral de « piège à cons ». Tout est déjà pipé pour l’alternance du pouvoir.

Un mode de scrutin proportionnel-mixte, ou encore le mode P3, comme l’a proposé récemment Stéphane Dion, serait déjà un énorme pas vers une démocratie participative. Mais tant qu’aucune réforme ne sera réalisée, n’en déplaise à ceux qui pensent à tort qu’il est primordial de voter, vous vous ferez encore piéger. Bref, on ne gagne pas des élections, on les subit.