Soyez des intellectuels fiers et décomplexés!

Émile Zola; Paris 2.4.1840 ibid 29.9.1902. Portrait photo, c. 1895 (Nadar, Paris), digitally coloured – Crédit arkimages

Soyez fiers!!!
C’est sans prétention, sans chauvinisme et sans mépris que les intellos et les intellectuels se doivent d’être fiers. Non pas de posséder beaucoup de savoir (quoique…), mais simplement de s’associer à un domaine d’activités nobles, salutaires et accessibles à tous, c’est-à-dire les activités intellectuelles.

Mais qu’est-ce qu’un intello?
Le terme « intello » permet « de désigner à la fois tout individu qui s’adonne à des activités principalement intellectuelles, et toute chose qui est liée à des pratiques qui nécessitent de la réflexion, sans connotation.»[1]

Est-ce qu’un intello est un intellectuel? Et bien pas forcément.
Déjà, une première précision s’impose. Le terme « intellectuel » peut parfois désigner des personnes « dont la vie est consacrée aux activités intellectuelles »[13], souvent opposées aux activités dîtes « manuelles ». Bien qu’on puisse condamner cette pratique, l’usage fait souvent loi dans le langage. Néanmoins, les érudits éviteront un tel usage, pour ne pas dire une telle usurpation. De même, on évitera de confondre « intellectuel » et « savant ». Ce dernier, ancien participe présent de savoir, désigne une personne ayant « des connaissances étendues dans divers domaines ou dans une discipline particulière »[14]. Ce qui, on le verra plus loin, est insuffisant pour être qualifié réellement d’intellectuel.[15]

D’abord, le terme « intellectuel » est né à l’époque de l’Affaire Dreyfus, où des juristes, des écrivains, des universitaires prirent publiquement position pour le capitaine Dreyfus.[2] Le plus célèbre étant l’écrivain Émile Zola, qui fut condamné à l’époque à un an de prison pour avoir dénoncé la magouille militaire liée à la condamnation du capitaine.

Un intellectuel, c’est tout d’abord un individu ayant certaines connaissances savantes et une culture suffisante afin d’établir des rapports entre ses connaissances et celles du Monde.[3] Ce faisant, il peut alors, par ses réflexions ou ses découvertes savantes, être en mesure de découvrir des contradictions. Mais ce n’est pas tout.

De plus, une condition essentielle pour être considérée comme un intellectuel, c’est celle de l’engagement dans l’espace public. Il s’agit d’un engagement visant à dévoiler, voire dénoncer, la contradiction observée.

L’impact de cette dénonciation n’est pas un prérequis. Il est vrai que plus l’intellectuel sera notoire, plus son influence sera grande. Et sa notoriété, quant à elle, est issue de ses travaux. On parlera alors d’un « intellectuel notoire », tout simplement. Autrement dit, la notoriété n’est pas une condition, d’autant plus que celle-ci peut venir plus tard.

Revenons maintenant, sur l’engagement, condition fondamentale. En fait, un intellectuel désengagé, ça n’existe tout simplement pas. Selon Sartre, « l’engagement est […] une obligation morale pour celui qui, refusant le confort de l’attitude contemplative ou de la foi, tire les conséquences éthiques et politiques de son être en situation. C’est particulièrement le cas de l’intellectuel et de l’écrivain, qui, parce qu’ils ont le pouvoir de dévoiler le monde, se doivent de s’engager. »[4]

Somme toute, un intellectuel, c’est un intello qui s’engage dans le débat public afin d’influencer les valeurs et l’organisation de la société.

Le devoir de l’intellectuel
Rappelons que les intellectuels ne sont pas infaillibles et beaucoup d’idéologies, dont certaines sont assurément condamnables, sont issues d’intellectuels. En même temps, la croyance qui voudrait qu’on puisse vivre dans un monde sans idéologie est absurde et même dangereuse. À la limite, le pragmatisme[5] peut se présenter comme une doctrine non idéologique, il demeure que cette méthode de résolution des débats philosophiques s’inscrit toujours dans un système de pensée dominant proposant un modèle sociétal : institutions, système de pouvoir, etc.

Le seul choix que nous avons, c’est d’ignorer ou d’accepter l’idéologie présente ou encore la critiquer et la changer.

Pour ce faire, les intellectuels sont souvent les mieux placés pour éclairer notre pensée afin de principalement permettre plus de justice sociale, et ce, dans un monde de plus en plus complexe.

En fait, un intellectuel se fait un devoir d’éclairer son entourage. Une sorte d’obligation de porter secours à autrui, l’intellectuel accepte le devoir de partager ses connaissances avec autrui, encore faut-il qu’il puisse le faire. Néanmoins, la justice sociale est centrale chez les intellectuels, et ce, de Zola à Chomsky en passant par Weil, Rawls, Bourdieu, etc.

Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Avraham Shlonsky and Leah Goldberg – Crédit flickr

Évidemment, les intellectuels ne sont pas un groupe ou une élite fermée. Bien sûr, nous serions portés à dire qu’un tel ou un autre est intellectuel. Il appartient à chacun de vouloir le devenir et de l’incarner. Le premier pas, bien sûr, est déjà de devenir un intello.

L’intello-actif
L’intello-actif est un intello engagé dans des actions politiques ou sociales. Ces actions visent à propager ou à incarner des positions politiques ou sociales de ce dernier. L’intello-actif milite ainsi pour ses idées. Ses actions ne sont pas nécessairement grandioses, mais à la mesure de sa capacité.

Vous aurez compris dès lors qu’un intellectuel est un intello-actif. Mais est-ce qu’un intello-actif est un intellectuel?

Tout est une question de diffusion et d’ancrage. Un intellectuel est lié à un savoir, une connaissance savante qui lui offre une perspective approfondie sur une facette du Monde. Ce savoir demande un travail significatif, notamment parce qu’il est lié à des exigences de qualité et de traditions.

On exigera de l’intellectuel un discours de niveau intellectuel, c’est-à-dire reposant sur des argumentations étoffées et fondées, particulièrement sur des méthodes de travail intellectuel.[6]

On exigera également que l’intellectuel s’inscrive dans une tradition de penseurs afin d’ancrer sa pensée. Cette deuxième exigence est en fait partie de la première. Le travail intellectuel demande de connaître les réflexions antérieures afin de bien ancrer la sienne et d’éviter de réinventer la roue.

Enfin, on exigera qu’il publie ou discours dans l’espace public : manifestations, radio, télévision, internet, livres, etc.

Dans ces conditions, un intello-actif, qui décide de diffuser ses pensées et de prendre des positions éthiques et politiques, est soit un intellectuel, soit un intellectuel en puissance.

Et nul besoin d’être un héros tel que Miguel de Unamuno face à au régime franquiste ou encore un grand intellectuel enseigné dans les universités. Il s’agit simplement de manifester sa pensée à la hauteur de ses moyens.

Et s’il y a de grands intellectuels, il n’y en a pas de petit, simplement des intellectuels en puissance.

L’intello-passif
L’intello-passif est celui qui sait et comprend, mais demeure silencieux. Il ne trouve pas la motivation (manque de courage, paresse, prudence, etc) de prendre position publiquement.

En fait, il en fait le choix. Encore faut-il en être conscient. Or l’intello, lui, en est conscient. En choisissant de ne rien faire, il choisit. Ou encore, ne pas choisir, c’est encore choisir![7]

À ce titre, la posture de l’intello-passif est souvent, malheureusement, une fuite de l’engagement. Sa préférence est de se réfugier dans un rôle d’observateur. S’il lui apparaît le désir d’agir, celui-ci s’essoufflera rapidement. Il est seul avec lui-même, dans son introversion, et il affine ou simplement recycle sa réflexion. Il faut dire que le Monde, dont il saisit de multiples défauts, est un univers pouvant rapidement être épuisant à contempler.

Cette posture n’est pas sans danger pour le principal intéressé. La possibilité qu’il élabore une rhétorique destinée à s’auto-justifier de son inaction est grande. C’est que de choisir donne une l’impression de contrôle, même si ce choix est une position défaitiste, signifiant son impuissance de ne pas pouvoir changer ce qu’il observe.

Pire encore, l’intello-passif peut se laisser rapidement tenter par le cynisme (contemporain). Ce type de cynisme est vicieux et destructif. Plus il sera cynique, plus il se sentira impuissant. Plus, il se sera impuissant plus il sera cynique.[8] Le danger est que tôt ou tard ce cercle vicieux produira de grandes frustrations et désillusions. Sa confiance sera faible ou inexistante envers les organisations, autorités et d’autres aspects de la société.[9]

À ce stade, si la rumination apparaît, le risque de tomber dans un état dépressif est une possibilité réelle qu’il ne faut pas négliger. De plus, ce processus est souvent inconscient par le concerné.

Bien sûr, être intello-passif ne mène pas nécessairement à la dépression, malgré que « parfois la folie […] est la meilleure manière de s’adapter à la réalité.»[10] Ou encore, il peut adhérer à des philosophies, telles que le stoïcisme, qui lui permettront de faire taire les contradictions observées.

Il demeure néanmoins que seulement l’action[11] peut changer l’organisation sociale et dissoudre lesdites contradictions. À l’inverse, l’inaction maintient ou aggrave l’indignité, car il s’agit avant tout de contradiction morale relevant de la justice sociale, celle régulant la dignité de tous. Il revient alors à chacun de défendre ses valeurs ou de faire siennes ces contradictions et de composer avec.

L’intello-hyperactif
L’intello-hyperactif est un intellectuel qui sur-manifeste ses positions au détriment de la qualité de sa réflexion. Si tout le monde peut avoir une opinion sur tout, un intellectuel ne peut avoir un avis sur tout. Le processus de réalisation d’un avis intellectuel demande un travail considérable. Un intellectuel qui se voit tenter de trop exister dans l’espace public, s’exprimant sur presque tous les sujets, finit inévitablement à dire de nombreuses sottises. (Voir Vidéos connexes)

L’intello-collabo ou l’intello-docile
Ce type d’intello s’activera à crédibiliser le pouvoir en place avec des arguments plus ou moins fallacieux dans l’unique but de le protéger, mais surtout afin de protéger ses privilèges qui découlent de ce pouvoir. Il va de soi que cette collaboration n’a rien à voir avec la posture de l’intellectuel. En fait, ce type d’intello est simplement un usurpateur de l’intellectuel puisque ce dernier est engagé avant tout au service de la justice sociale et non de ses intérêts particuliers.

Pire encore, ce mélange des genres amène à confondre l’intellectuel du faux, discréditant ou rendant confuse la réelle et noble signification de cette qualification. En effet, être un intellectuel, c’est un honneur d’un point de vue humaniste. Catégoriser d’intellectuel un individu, c’est de le lié au courage de nombreux penseurs qui, soulignons le, ont été plus souvent qu’autrement condamnés injustement pour leurs dissidences : Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Ignacio Ellacuria, Bertrand Russell, etc.[12]

Conclusion
Devenez vous aussi un(e) intellectuel(le)! Et surtout, soyez fier ou fière!
Et si vous vous considérez simplement comme un intello-actif, soyez-en tout aussi fier!

Ajoutons qu’il ne faut surtout pas opposer l’intello au manuel. Ce sont des activités différentes et complémentaires.

Être un intellectuel demande du courage et beaucoup de travail. Ne laissez jamais personne vous intimider ou vous rabaisser parce que vous choisissez de penser et de vous exprimer.

Stéphane Hessel dirait que toute indignation devrait être liée à un engagement. Signer une pétition, c’est bien. La partager en plus, c’est mieux! Il y a une large gradation menant à l’engagement et, ipso facto, à l’action. Le tout visant à améliorer notre Monde.

Aspirer à être un intellectuel, c’est noble, légitime et accessible. Croyez au nivellement vers le haut! Réfléchissez, écrivez, parlez, bref partagez!

Partagez, mais évitez les excès! Le juste milieu n’est pas nécessairement une position située au milieu de deux extrêmes, mais un équilibre entre deux extrêmes fâcheux! (Aristote)

Note: Ce texte partiellement épicène, présence d’un masculin générique désignant tous les genres.

Vidéos connexes

Sartre sur l'intellectuel


Chomsky, les intellectuels et le pouvoir


Intello-hyperactif


L'Affaire Dreyfus



Références

[1] « Intello : Définition simple et facile du dictionnaire », sur www.linternaute.fr (consulté le 17 juin 2021)

[3] Politproductions, « Jean-Paul SARTRE : l’écrivain, l’intellectuel et le politique (Interview à Radio-Canada) », 2 décembre 2012 (consulté le 17 juin 2021)

[4] Patrick Wagner, « La notion d’intellectuel engagé chez Sartre », Le Portique. Revue de philosophie et de sciences humaines,‎  (ISSN 1283-8594lire en ligne, consulté le 17 juin 2021)

[6] L’APPRENTISSAGE DE LA MTI, UNE AFFAIRE DE COMPÉTENCES TRANSVERSALES, R. R. TREMBLAY,  Y. PERRIER, PÉDAGOGIE COLLÉGIALE VOL. 20 N O 1 AUTOMNE 2006 https://www.capres.ca/wp-content/uploads/2015/01/Apprentissage-MTI.pdf  (consulté le 17 juin 2021)

[7] “Ne pas choisir, en effet, c’est choisir de ne pas choisir.”, L’être et le néant. Essai d’ontologie phénoménologique, Sartre, 1943  (consulté le 17 juin 2021)

[8] « Médium large | Médium large 2017.02.28 | BaladoQuebec.CA », sur baladoquebec.ca, Psychologie avec Florence Marcil-Denault : La fonction du cynisme (consulté le 17 juin 2021)

[9] « Cynisme (contemporain) », dans Wikipédia (lire en ligne) (consulté le 17 juin 2021)

[10] « Le suicide – PSYCHOPTIK #2 » (consulté le 17 juin 2021)

[11] « Le cynisme, un mal nécessaire ? | Vidéos | ICI Radio-Canada.ca », sur Radio-Canada (consulté le 19 juin 2021)

[12] « Chomsky, les intellectuels et le pouvoir » (consulté le 19 juin 2021)

[13] Encyclopædia Universalis‎« INTELLECTUEL », sur Encyclopædia Universalis (consulté le 8 juillet 2021)

[14] Éditions Larousse« Définitions : savant – Dictionnaire de français Larousse », sur www.larousse.fr (consulté le 8 juillet 2021)

[15] Ce paragraphe a été ajouté le 7 juillet 2021.

La culture toxique du CH et de la LNH

La semaine passée, j’ai regardé ma première partie de hockey en 4 ou 5 ans. Le Canadiens de Montréal jouait contre le Maple Leafs de Toronto. Dire qu’avant, je n’en manquais pas une!

À 14 ans, le hockey était pour moi tout ce qui importait. Je jouais tous les jours, à la patinoire l’hiver, dans la rue l’été. Bref, c’était facile de savoir où j’étais: avec mes amis en train de jouer ou de parler de hockey. Ce sport permet de développer énormément d’aptitudes, tant physiques que sociales. Sport d’interéquipe, il développe l’esprit de compétition, de collaboration et également le sentiment d’appartenance. À cet âge, la quête d’identité et d’appartenance à un groupe est naturelle. Moi, c’était le CH.

Trente ans plus tard, j’avais tout simplement cessé de regarder ce sport. D’abord, mon identité avait bien sûr évolué et ne passait plus par ce mode de représentation. Avoir le CH de tatouer sur le cœur est aussi souhaitable aujourd’hui que Nike, Bell, Heinz ou n’importe quelle marque de commerce. 

Sportsnet

Le CH, marque légale déposée, a toujours basé son fonds de commerce sur l’appartenance du peuple canadien-français. Aujourd’hui, il s’agirait plutôt d’appropriation culturelle. Pour une équipe n’alignant parfois aucun francophone et ayant toujours appartenu à des intérêts anglophones, le nom de Canadians de Montréal serait plus adapté.

Aussi, si j’ai décroché, c’est que la LNH valorise encore une violence maintes fois condamnée. Profitant d’une protection juridique traditionnellement consentie probablement pour des raisons politiques, la LNH régularise des agressions carrément criminelles au nom du sport. Dans les faits, elle encourage sciemment une violence-spectacle sous l’égide d’un pseudo-code de respect et d’honneur. À l’heure où la société essaie d’endiguer la culture de l’intimidation et de la violence, la LNH en fait l’apologie.

C’est ainsi que lors de ce match, le meilleur joueur de l’équipe de Toronto, John Tavares, a subi une solide blessure à la tête. C’était pénible à voir, surtout lorsque le soigneur l’a subitement retenu alors qu’il tombait inconscient : une autre commotion cérébrale au statistique.

La reprise montra clairement que cette blessure fut accidentelle. À la suite d’une mise en échec tout à fait régulière, Tavares tomba au moment où un joueur du Canadiens, Corey Perry, passait en sens inverse et, malgré un geste d’évitement manifeste, son genou heurta violemment la tête de Tavares. Après une dizaine de minutes d’arrêt pour sortir ce pauvre Tavares sur une civière, la partie recommença.

C’est alors qu’on assiste à une scène étrange. Un joueur de Toronto s’amène à la mise au jeu pour discuter avec Perry. Au vu et au su des arbitres, ils conviennent de livrer bataille. L’un avisait l’autre que, par principe, qu’ils devaient se battre afin de symboliser un acte de réparation ou de vengeance. Bref, le code d’honneur devait être appliqué, une question de « respect » rhétorique.

Ils ont donc commencé à se battre, à valser et à jouer une comédie de lutte-spectacle. Le gagnant, préalablement désigné, renversa Perry sur la glace. Bref, la tradition tribale fut respectée au bon plaisir de certains partisans revanchards.

Le même soir, j’ai vu passer une publication d’un bon ami universitaire, Alex. Sur la photo, Alex a installé dehors sa télévision et il regarde la même partie avec son petit garçon de 5 ans. C’est le printemps et la fièvre des séries après tout! La tradition qui se transmet! Petit garçon, petite jeunesse, comme moi quand j’avais 14 ans, à encourager leur équipe adorée! Et surtout, à apprendre très jeune à se faire respecter de façon traditionnelle : intimidation et violence.

La violence devient systémique dans la mesure où elle perdure dans le temps et se reproduit. Ça commence avec l’intimidation et se termine avec le châtiment corporel. Au moment où la société évolue, opte pour des communications non violentes, la LNH tient toujours à monétiser de la violence toxique. Selon la science du marketing, ce qui est le plus payant, c’est lorsqu’on atteint le troisième niveau, celui identitaire.

Or, il faut reconnaître que notre identité, québécoise ou canadienne, a été notamment construite sur le hockey et sa violence. En 2006, le documentaire Valery’s Ankle, réalisé par Brett Kashmere et sous-titré en français, montre comment le hockey et la violence sont politiquement admis et glorifiés. Il s’agit bien de notre « sport national ». Pour ma part, ce documentaire m’a permis une prise de conscience de cette culture toxique dans laquelle j’ai grandi et qu’encore beaucoup grandissent encore aujourd’hui.

Heureusement, certains politiciens travaillent à un changement de culture. Déjà, il faudrait que la législation supprime l’immunité diplomatique offerte à cette industrie violente. Je vais envoyer ce texte au Devoir et au Journal de Montréal. Le premier devrait être favorable. Et le deuxième, comme je le disais, c’est une industrie et une culture à changer.

 

Références :

L’accident

 

Bataille

 

Valery’s Ankle, par Brett Kashmere

Ouverture et unité des nationalistes québécois à Ottawa

[Texte tiré d’une publication du HuffPost Québec à l’époque que Julien Cardinal était porte-parole de Québec en marche!]

En tout respect, il faut en finir avec ce fondamentalisme de l’indépendance qui divise et polarise notre nation au lieu de l’unir et de l’apaiser.

L'indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa, voilà tout! À moins de trouver du plaisir dans la confrontation, y envoyer des indépendantistes est inutile, voire contre-productif.
L’indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa, voilà tout! À moins de trouver du plaisir dans la confrontation, y envoyer des indépendantistes est inutile, voire contre-productif.

Précisons d’emblée que ce texte ne constitue en aucune façon une charge contre l’indépendance du Québec. Cette cause noble peut être une solution d’émancipation pour la nation québécoise et elle demeure incontestablement une option envisageable encore aujourd’hui. Ce texte propose plutôt de sortir du «fondamentalisme de l’indépendance» en plus de proposer une nouvelle démarche pour contrer le statu quo: l’envoi d’autonomistes à Ottawa.

Si les indépendantistes souhaitent doter le peuple québécois d’un État indépendant, il est important de réitérer qu’ils n’ont pas le monopole du nationalisme québécois.

Soyons clairs, être nationaliste, au-delà du sentiment d’appartenance, c’est défendre les intérêts de sa nation. À ce titre, il est tout à fait possible d’être à la fois nationaliste et fédéraliste. C’est d’ailleurs le souhait de M. Alexandre Taillefer lorsqu’il affirme que le Parti libéral doit retourner à ses «racines nationalistes», à l’instar de Bourassa, Ryan, Lesage, etc.

La famille des nationalistes québécois est large, incluant évidemment bon nombre d’indépendantistes. Si ceux-ci souhaitent doter le peuple québécois d’un État indépendant, il est important de réitérer qu’ils n’ont aucunement le monopole du nationalisme québécois. Malheureusement, certains indépendantistes semblent le croire, en particulier chez les «fondamentalistes de l’indépendance».

Le fondamentalisme se définit comme le refus du doute méthodologique concernant sa croyance. S’il est coutume d’appliquer ce concept à des croyances religieuses, il s’applique tout autant aux croyances idéologiques qu’à n’importe quel dogme édifié en doctrine.

Lorsqu’on fonde son nationalisme sur l’indépendance, on mélange alors les moyens avec la fin. On induit alors une logique inversée qui soumet tout type de nationalisme à l’idée d’indépendance. C’est ainsi qu’on bascule dans le fondamentalisme de l’indépendance. Une fois piégé dans cette logique, il est facile de penser qu’être contre l’indépendance, c’est être contre les intérêts de la nation. Pire, il est facile de devenir un «hooligan politique», intolérant à tout dialogue pouvant défier ses croyances. Contrairement aux indépendantistes modérés, les fondamentalistes de l’indépendance excluront le doute méthodologique même si leurs actions, au final, nuisent aux intérêts nationaux.

Ces fondamentalistes de l’indépendance à Ottawa

Parmi ces fondamentalistes se trouvent ces chevaliers de l’indépendance faisant croisade jusqu’au parlement d’Ottawa, afin d’y planter chauvinement leur croix idéologique. Verrouillés dans leurs pensées, ils se targuent de décréter qui sont les bons et les mauvais nationalistes, voire même les indépendantistes dignes et indignes de ce nom!

En tout respect, il faut en finir avec ce fondamentalisme de l’indépendance qui divise et polarise notre nation au lieu de l’unir et de l’apaiser.

L’exemple récent de M. Gilles Duceppe à l’endroit de Manon Massée de Québec solidaire illustre bien l’idée. À l’instar de notre ancien clergé, ils décident qui sont les vrais fidèles et ceux à excommunier. C’est en ce sens que la proposition de M. Boudrias d’un «seul parti souverainiste, un seul programme, une seule organisation, une seule mission » s’articulant à l’intérieur des parlements de Québec et d’Ottawa» montre bien cette vision monolithique.

En tout respect, il faut en finir avec ce fondamentalisme de l’indépendance qui divise et polarise notre nation au lieu de l’unir et de l’apaiser. À cet égard, le Bloc québécois incarne depuis trop longtemps un certain nationalisme sectaire excluant les nationalistes fédéralistes. Empêtré dans sa finalité d’indépendance, il lui est impossible de rassembler tous les nationalistes québécois, encore moins l’ensemble des Québécois(e)s. Pire encore, ces fondamentalistes réussissent même à se diviser entre eux! Le mouvement de Mme Martine Ouellet étant un exemple éloquent.

L’indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa.

Bien que le Bloc québécois se soit récemment lancé dans un projet de refondation, l’indépendance du Québec demeurera leur finalité. Cet exercice de maquillage aboutira au mieux à un nouveau logo et un nouveau nom un peu moins «bloquant»… Et pourtant, au printemps dernier, l’éphémère «Québec debout» avait suscité un vrai espoir. Il n’a suffi que d’un été pour rasseoir tout ce beau monde à leur place…

L’indépendance du Québec ne se fera pas à Ottawa, voilà tout! À moins de trouver du plaisir dans la confrontation, y envoyer des indépendantistes est inutile, voire contre-productif. S’auto-condamner ainsi à une perpétuelle opposition, c’est assurer indéfiniment l’isolement politique du Québec, ce qui est évidemment contraire à ses intérêts.

Des autonomistes à Ottawa pour mieux servir le Québec

On ne connaît que trop bien les diktats martelés depuis 25 ans par les fondamentalistes de l’indépendance, à savoir que le fédéralisme canadien est irréformable, Meech et Charlottetown en étant des preuves indiscutables. Pour eux, toutes tentatives de faire progresser le Québec à l’intérieur du Canada n’est que perte de temps.

Par conséquent, il nous faut attendre, confinés dans une sempiternelle opposition, le grand soir d’une indépendance messianique. Remettre en doute cette sainte Écriture en proposant des solutions potentielles serait perçu comme une attaque contre la finalité indépendantiste. Pourtant, il existe bien des alternatives. René Lévesque parlait de «beau risque», moi je vous parlerai d’autonomisme régional.

L’autonomisme n’est pas un concept nouveau au Québec

Pensons, par exemple, à l’autonomie financière du Québec lorsque Duplessis réussit à rapatrier, en 1954, des points d’impôt du fédéral. Ou encore lorsque Paul Gérin-Lajoie, en 1965, obtint la souveraineté des provinces dans les relations internationales liées à leurs champs de compétences…

Que ce soit au sein du Canada ou comme pays indépendant, il faudra à terme envisager une nouvelle forme d’union canadienne plus émancipatrice pour tous.

Les choses changent, le monde évolue. Croire que le Québec est le seul des peuples canadiens à désirer plus d’autonomie serait une profonde méconnaissance du Canada. Les peuples canadiens ne sont pas hétéroclites et uniformes. Prenons seulement les Britanno-Colombiens qui, de par leur progressivité et leurs valeurs écologiques, sont les seuls ayant réussi à envoyer à Ottawa une députée du Parti vert. Ils pourraient être un allié de premier choix dans une éventuelle coalition d’autonomistes régionaux, surtout dans nos luttes environnementales contre la puissante industrie pétrolière canadienne.

C’est que l’autonomie, c’est bon pour tous les peuples, qu’ils soient québécois, canadiens ou autres. Que ce soit au sein du Canada ou comme pays indépendant, il faudra à terme envisager une nouvelle forme d’union canadienne plus émancipatrice pour tous. Une coalition pancanadienne d’autonomistes pourrait être une nouvelle solution pour y arriver. Cependant, ce n’est pas en envoyant des indépendantistes à Ottawa que ce sera possible. Par contre, avec des autonomistes prônant un nationalisme d’ouverture, alors là, tout devient possible!

Il est facile de se décrire comme une nation victime du fédéralisme canadien et de son statu quo. Ou encore de décrier les caquistes ou les solidaires comme de faux nationalistes… Chers fondamentalistes de l’indépendance, j’espère que ce texte saura initier une remise en question.

Et pour les autres nationalistes, prônant ouverture et unité, seule l’action peut remettre le Québec en marche!

Élections, piège à cons!

[Texte tiré d’une publication du Le Devoir à l’époque que Julien Cardinal était président du Parti de la réforme proportionnelle-mixte.]

Dans son dernier livre, Réinventer la démocratie, Jean Laliberté nous rappelle ce slogan de mai 1968 selon lequel les citoyens bien instruits et informés ne peuvent se satisfaire uniquement de voter une fois tous les quatre ans. L’auteur invite le lecteur à reconsidérer la démocratie élective pour une démocratie participative.

Sa réflexion part du constat que la démocratie est de plus en plus malade. En effet, les grandes manifestations étudiantes du printemps témoignent de certaines carences de notre vie démocratique. On peut effectivement se demander pourquoi notre système démocratique n’a pas été en mesure d’intégrer dans ses politiques la volonté populaire symbolisée par des manifestations pacifiques de centaines de milliers de citoyens ?

Il existe pourtant bien des instances qui permettent l’expression populaire, telles que les consultations publiques, les états généraux, les pétitions, etc. Cependant, lorsqu’elles ne permettent pas adéquatement à la population de se faire entendre, celle-ci peut exercer son ultime recours pacifique qui est l’occupation de l’espace public, par exemple la rue.

À une époque où les citoyens sont incités à se replier dans leur espace privé, force est de constater que cet ultime recours est loin d’être banal. Pourtant, le gouvernement considère, quant à lui, que ce type d’engagement doit être à la limite toléré, mais sans plus. Pire encore, au lieu de reconnaître cette volonté populaire, le gouvernement Charest tente plutôt de banaliser et même de ridiculiser l’expression de la rue.

En regardant de plus près notre mode de scrutin, on comprend mieux pourquoi le gouvernement actuel peut ignorer les manifestations les plus importantes que le Québec ait connues. En ayant les « deux mains sur le volant », c’est-à-dire en étant majoritaire, le gouvernement a la possibilité ultime d’agir de manière autoritaire et unilatérale.

Ceci est d’autant plus vrai si le gouvernement considère que les électeurs n’ont droit de parole qu’aux élections et qu’ensuite le gouvernement peut tout se permettre. M. Bachand et bien d’autres membres du gouvernement ont d’ailleurs exprimé cette vue en mentionnant que les prochaines élections trancheraient le conflit étudiant. Comme si une soi-disant « majorité silencieuse » et mythique pouvait en toute légitimité cautionner toutes les actions passées du gouvernement en un seul vote. Cette idée reçue selon laquelle la démocratie se réduit à la décision du plus grand nombre est non seulement erronée, elle est aussi antidémocratique. C’est ce que bon nombre de penseurs, dont J. Stuart Mill, appellent la « dictature de la majorité ». Quant à Tocqueville, c’est de « germe de la tyrannie » qu’il qualifie le fait qu’un gouvernement se permette, au nom de sa majorité, de faire taire une minorité.

Bien qu’un gouvernement majoritaire puisse agir unilatéralement, il est de tradition au Québec et au Canada d’exercer le pouvoir à travers des consultations, des concertations et des consensus. En fait, c’est de cette manière que notre démocratie s’exerce réellement. À vrai dire, ces mécanismes sont extrêmement importants puisque le mode de scrutin uninominal à un tour ne permet péniblement la diversité d’opinion. En effet, notre mode de scrutin, bien qu’il soit plutôt simple, a le grand inconvénient d’amener une distorsion de la volonté populaire puisqu’elle permet l’élection de gouvernements majoritaires n’obtenant quasi jamais une majorité des voix. Le Parti libéral, bien que majoritaire en nombre de députés, n’a obtenu que 42 % des voix en 2008.

Un autre inconvénient majeur est qu’il ne pousse pas l’électeur à effectuer un vote de préférence, mais plutôt un vote stratégique. Le vote stratégique est une castration de la volonté de l’électeur. Elle introduit une logique binaire et abrutissante qu’on résume sous l’idée de gagner ou perdre ses élections. Voter se résume alors à parier. Mais est-ce bien ce à quoi on doit s’attendre d’une démocratie ? C’est-à-dire de voter pour un pis-aller détenant une chance signifiante d’être élu, et ce, selon les sondages ? À voter non pas pour un candidat, mais contre tous les autres ? À voter pour contester et non pour proposer ?

D’un côté, le fait de ne pas pouvoir voter librement pour un candidat sans avoir le sentiment de trahir ses convictions ou de voir son vote non considéré à sa pleine valeur démocratique explique en partie les hauts taux d’abstention. D’un autre côté, voter, c’est légitimer le mode de scrutin actuel. C’est ainsi ce que certains soixante-huitards surnommaient le processus électoral de « piège à cons ». Tout est déjà pipé pour l’alternance du pouvoir.

Un mode de scrutin proportionnel-mixte, ou encore le mode P3, comme l’a proposé récemment Stéphane Dion, serait déjà un énorme pas vers une démocratie participative. Mais tant qu’aucune réforme ne sera réalisée, n’en déplaise à ceux qui pensent à tort qu’il est primordial de voter, vous vous ferez encore piéger. Bref, on ne gagne pas des élections, on les subit.